Baptiste Chaumet, l’horloger indépendant qui fait battre le cœur du temps à Lille.
Si les montres n’ont plus aucun secret pour Baptiste Chaumet, c’est qu’il les connaît sur le bout des doigts – ou plutôt du tournevis. Artisan horloger indépendant à Lille, il répare, restaure et bichonne des montres avec une précision chirurgicale. Pourtant, son histoire ne semblait pas écrite d’avance.Imaginez un adolescent un peu hésitant sur son avenir, voyant son grand frère réussir dans l’horlogerie et ses parents lui suggérer gentiment : « Et pourquoi tu n’essaierais pas ?».Ce qui n’était au départ qu’une idée de carrière est devenu une véritable vocation après un passage en Suisse et un séjour au Japon. Aujourd’hui, installé à Lille, Baptiste a choisi de mettre son savoir-faire au service des particuliers. Rencontre avec un artisan qui, au-delà des mécanismes, remet aussi les histoires de famille à l’heure.
Un parcours qui tourne rond (ou presque)
L’horlogerie, ce n’était pas une évidence pour Baptiste. C’est en observant son frère heureux dans ce métier que l’idée a germé. Après le bac, il s’oriente donc vers cette voie, mais sans grande conviction au départ. C’est en Suisse, en montant ses premières montres dans une manufacture, qu’il commence à être pris par le virus. Assembler un mouvement, c’est bien. Mais rêver de tourbillons et de complications, c’est encore mieux.Sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’on lui propose un poste au Japon. Là-bas, il découvre une approche différente du métier : moins de pression sur la productivité, plus de soin apporté à la qualité. « J’ai appris à aimer l’horlogerie au Japon », confie-t-il. Ce séjour lui ouvre les yeux sur ce qu’il veut vraiment : un travail où l’humain et la passion priment sur l’usine et les cadences imposées.
De l’horloger d’usine à l’artisan indépendant : un pari minutieusement calculé
Si la Suisse est le berceau de l’horlogerie de luxe, c’est aussi un monde impitoyable. En cas de crise, les horlogers sont les premiers à sauter. Conscient de cette réalité, Baptiste prépare méthodiquement son virage vers l’indépendance.« J’ai passé deux ans à acheter du matériel chaque mois, pour ne pas démarrer avec un crédit de 50 000 € sur le dos. » Résultat ? Lorsqu’il démissionne, il a tout ce qu’il faut pour commencer sereinement.
Anticipation et précision, deux qualités essentielles pour un bon horloger. C’est ainsi qu’il s’installe à Lille, sans connaître la région. Mais un bon artisan sait s’adapter, et surtout, il sait où frapper. En repérant une bourse horlogère locale sur Facebook, il entre en contact avec un organisateur qui lui ouvre ses premières portes. Il crée aussi son site internet avec un nom de domaine bien pensé : horlogerielille.fr.
Pourquoi choisir l’horlogerie indépendante plutôt que l’industrie ?
Après 11 ans en manufacture, où les journées pouvaient atteindre 60 à 70 heures de travail, Baptiste aspire à un autre rythme. L’indépendance lui offre la liberté de gérer son temps, quitte à réparer une montre le soir si la journée a été trop chargée en discussions. Et puis, il y a le contact humain. « J’aime voir le client, comprendre l’histoire de sa montre. Ce n’est pas juste une question de mécanique, c’est une question d’émotion. » Contrairement à l’usine où il recevait des lots de 20 montres sans savoir à qui elles appartenaient, ici, chaque montre a une histoire, un visage, un souvenir attaché.
L’horlogerie, un métier d’avenir ou une profession en voie de disparition ?
Contrairement aux idées reçues, l’horlogerie n’est pas un métier du passé. Les montres connectées n’ont pas tué l’amour des belles mécaniques, bien au contraire.« J’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de jeunes qui s’intéressent au métier. Et pas seulement des lycéens : beaucoup de personnes en reconversion, entre 25 et 30 ans, viennent se former à l’horlogerie », explique Baptiste. Il faut dire que la France ne compte que six écoles spécialisées, ce qui crée une demande forte. Et avec la mode du vintage et des objets chargés d’histoire, les horlogers ont encore de belles années devant eux.
Réparer des montres, mais aussi des souvenirs
Parmi les clients de Baptiste, nombreux sont ceux qui viennent avec une montre ayant appartenu à un parent ou un grand-parent. Ces montres ne sont pas seulement des objets : elles sont des morceaux d’histoire familiale.« J’ai plus de plaisir à réparer une vieille Lip transmise de génération en génération qu’une Rolex destinée à être revendue ou enfermée dans un coffre. » Car oui, certaines personnes achètent des montres uniquement pour la spéculation. Mais là où Baptiste trouve du sens, c’est dans le fait de redonner vie à un souvenir.
Les coulisses d’une révision horlogère : plus qu’un simple remontage
Réviser une montre ne se résume pas à la démonter et la nettoyer. Chaque pièce est contrôlée, analysée et ajustée. Baptiste suit une méthodologie bien rodée :
Vérification du balancier et de ses éléments (pare-chocs, plateau).
Contrôle de l’ancre et de l’échappement (les pièces qui régulent le mouvement).
Examen des dents des roues pour détecter l’usure.
Nettoyage et relubrification des composants.
Tests de précision pendant une dizaine de jours pour s’assurer que la montre fonctionne parfaitement.
En général, une montre mécanique doit être révisée tous les 5 à 10 ans, selon son utilisation.
L’avantage d’être indépendant, c’est de pouvoir travailler sans pression industrielle. Baptiste préfère avoir un nombre limité de montres à traiter plutôt que de crouler sous des réparations bâclées.Il sait que la satisfaction du client passe par la rigueur. Un oubli dans le contrôle et la montre peut tomber en panne trois jours après. En manufacture, il a appris à gérer des centaines de montres à la fois.
Aujourd’hui, il privilégie un travail soigné et personnalisé. Baptiste Chaumet incarne une nouvelle génération d’horlogers : indépendants, passionnés et tournés vers la transmission d’un savoir-faire.
À Lille, il redonne vie aux montres et aux souvenirs qui les accompagnent.Si vous souhaitez en savoir plus sur son métier ou lui confier une montre qui vous tient à cœur, retrouvez le reportage réalisé par Chloé pour RPL Radio.Car après tout, dans un monde qui va toujours plus vite, quoi de mieux qu’un horloger pour nous rappeler l’importance du temps ?
Cet article s’inscrit dans le cadre de l’émission "ÉCHOS DES ONDES", diffusée chaque 4éme mardi du mois sur radio Campus Lille.de 16:00 à 17:00.
À travers cette chronique, nous prolongeons notre exploration de l’actualité culturelle locale, mettant en lumière les initiatives, les créations et les voix qui font vibrer notre radio et le territoire.
| Par Petrouchka
cédit image: Mark Noy
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