Hommage au regretté Tahar Djaout
26 mai 1993 - 26 mai 2020 (27 ans déjà à Ddin Qessam )
Tahar Djaout ou le chant du rossignol
Tahar Djaout est le premier journaliste algérien assassiné par le terrorisme islamiste. Il meurt le 2 juin 1993, suite à un attentat perpétré contre lui le 26 mai 1993 devant son domicile et devant sa femme Ferroudja. La presse a payé un tribut très lourd : depuis cette date, 56 autres journalistes ont été victimes de la barbarie.
Journaliste et écrivain, Tahar Djaout est né le 11 janvier 1954 à Oulkhou, une petite bourgade de la commune d’Azzefoun sur la côte de la Grande Kabylie. Très jeune, il émigre avec ses parents, à l’instar de beaucoup de familles de la région, vers Alger. Il passe son enfance et son adolescence à la Casbah. Après le bac, Tahar opte pour des études en mathématiques, ce qui a fait de lui, incontestablement, un cartésien. En 1977, il obtient sa licence en mathématiques à l’université d’Alger.
Mais sa passion pour la poésie et sa maîtrise de la langue de Molière fait naître en lui une double vocation : le journalisme et la littérature. Pour ce faire, il s’oriente vers les études en sciences de l’information et de la communication et il obtient, en 1985, un DEA à l’université de Paris II. Dès janvier 1976, il est journaliste professionnel, chroniqueur et éditorialiste à l’hebdomadaire Algérie Actualité.
En 1983–1984, il est responsable de la rubrique culturelle. En même temps, il prend part d’une manière continue aux débats politiques, linguistiques et culturels de l’Algérie.
C’est avec la poésie que Tahar Djaout entre dans la littérature. Dès 1975, un recueil de poèmes, « Solstice barbelé », est publié aux éditions Naâman, au Canada, puis c’est « l’Arche à vau- l’eau » qu’il publie à Paris chez les éditions Saint-Germain des Prés, en 1978, avant d’éditer successivement « Insulaire & Cie » en 1980, « l’Oiseau minéral » en 1982, « l’Étreinte du sablier », respectivement aux éditions l’Orycte, SNED et Laphomic à Alger. Tahar Djaout a également entamé une aventure romanesque des plus fructueuses. À son actif, on compte « Les Rets de l’oiseleur » (éditions ENAL), « Les Mots migrateurs, anthologie poétique algérienne » (OPU, 1984), « Les Chercheurs d’os » (Le Seuil, 1984), qui obtient le prix de la fondation del Duca, « L’Invention du désert », « Les Vigiles » (Le Seuil, 1987), et « L’Exproprié » (éditions François Majault, 1991).
« …alors, parle et meurs »
Tahar Djaout, homme de droiture et de rigueur, a combattu, comme journaliste et écrivain, l’ignorance et l’obscurantisme. Partisan d’une démocratie laïque, il récusait cet islam sclérosé qui envahit son pays. Il s’inquiète aussi de ce nationalisme sans retour critique sur l’Histoire, de cet enfermement qui caractérise le régime en place. Il s’en prend volontiers autant à « l’intégrisme avoué » qu’à « l’intégrisme sans barbe ».
Poète insoumis, adversaire de toutes les entraves, Tahar Djaout utilise le langage avec bonheur pour fustiger tout pouvoir castrateur. Mais à ses textes ironiques, sarcastiques, qui accusent l’ordre social devant lequel ni le poète ni son écriture ne plient, se mêlent d’autres pleins de tendresse et de sensualité.
Certains poèmes disent la recherche de soi, tournée volontiers vers l’enfance, vers la terre, celle de ses ancêtres, mais aussi le cri, l’errance solitaire du poète et ses espoirs. Il est de cette famille qui avance, qui aspire à des lendemains enchanteurs, et non de celle qui recule ou qui boite. C’est lui qui dit : « Tu parles tu meurs, tu te tais, tu meurs, alors parle et meurs ! » Mais aussi : « À deux… nous avions formé un drôle de trio », « … son courage à trois mains », et enfin : « … je ne peux pas jouer triple jeu ».
Tahar n’en finit pas d’être absent et nous sommes désemparés par l’immensité de cette absence. Tout lui a si mal transcendé, nos prétentions comme nos vanités nues devant un monde bourbeux et tourbeux que notre plume indiffère
Une fleur coupée, se fane ;
Un vase tombé à terre, se pulvérise et ne contiendra plus les fleurs qui l’embellissaient ;
Un oiseau atteint d’une balle, tombe et meurt et il n’égayera plus jamais les vergers qui seront enveloppés d’une tristesse infinie. Repose en paix Tahar.
Anzar
La Voix de la berbèrie
Hauts-de-France
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